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Armée des ombres

J’en avais entendu parlé mais je ne l’avais pas écouté, mais ça vaut la peine.

Voici comment le ministre de l’agriculture, le 24 mars 2020, a appelé des français à aider les agriculteurs qui ne peuvent plus embaucher de saisonniers du fait de la crise sanitaire et de la fermeture des frontières.

(Je lance) un grand appel à l’armée des ombres, à l’armée de l’ombre, un grand appel aux femmes et aux hommes qui aujourd’hui ne travaillent pas,  à celles et ceux qui sont confinés chez eux dans leur appartement ou dans leur maison. A celles et ceux qui sont serveur dans un restaurant, hôtesse d’accueil dans un hôtel, au coiffeur de mon quartier, à celles et ceux qui n’ont plus d’activité. Et je leur dis, rejoignez la grande armée de l’agriculture française. Rejoignez celles et ceux qui vont nous permettre de nous nourrir, de nous nourrir de façon propre, saine, durable, équitable, c’est ce que nous devons faire aujourd’hui.

Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, 24 mars 2020, sur RMC et BFMTV, interviewé par Jean-Jacques Bourdin.

Passons sur le lapsus, ô combien révélateur, de « l’armée des ombres » (puisque vous n’êtes rien que des gueux sans travail), pour nous arrêter sur la liste des gens sans travail qui peuvent aller aider les agriculteurs : des serveurs de restaurants, des hôtesses d’accueil, des coiffeurs. Pourquoi ne citer que des professions à faible niveau de qualification ? Soit il s’agit d’une urgence nationale et il faut que tout le monde se mobilise, même les traders sans emploi ou les cadres au chômage technique. Soit il ne s’agit que de remplir une fonction dévalorisée par des gens dévalorisés. Quelle condescendance ! Quel mépris de classe !

Face à la grande distribution qui tire les prix vers le bas, les agriculteurs n’ont d’autre choix que de se tourner vers de la main d’oeuvre bon marché de saisonniers, venue de l’étranger et très mal payée. Lorsqu’il faut la remplacer, à qui on pense, à ceux qui n’ont pas le choix. Alors qu’on aurait pu imaginer de valoriser l’agriculture, d’en faire une profession d’avenir. Mais pour cela, il faudrait que le ministère et la FNSEA changent de modèle et privilégient une agriculture locale, respectueuse de l’environnement, payée son juste prix. Il faudrait limiter la taille des exploitations, réduire la dépendance à la chimie, la dépendance à la machine, se réapproprier la terre et l’humain. Paroles de citadin, direz-vous ? Vision idéaliste d’un mode rude, peut-être ?

En tout cas, pas la même vision que celle de Didier Guillaume.

Il ne reste qu’une étape à franchir, lorsque la crise sera en train de se terminer et qu’il faudra mettre en oeuvre l’après et trouver du travail à tous ceux qui n’en auront plus du fait de la crise économique qui suivra. Je suis certain qu’il y en aura pour proposer d’envoyer les chômeurs aux champs.  Je propose d’appeler cela Solidarité Travail Organisé (STO) ou bien Revenu Solidaire Agricole (RSA).

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