Archives de catégorie : A méditer

Allemagne

Pays européen au niveau équivalent du notre, l’Allemagne a beaucoup moins de morts liés au COVID-19 que la France. Pourquoi ?

Un éditorial du journal Le Monde du 20 avril 2020 en explique les raisons. En effet, A la date de l’article, le coronavirus avait causé la mort de près de 20 000 personnes en France contre 4 500 en Allemagne, pays pourtant plus peuplé (83 millions d’habitants contre 65).

La différence majeure réside dans la rapidité avec laquelle l’Allemagne a réussi à pratiquer des tests à grande échelle afin d’isoler les malades porteurs du virus. Le journal indique aussi qu’avec des dépenses de santé de niveau équivalent, l’Allemagne dispose de 2 fois plus de lits de réanimation que la France. Autre facteur (et on le mesure encore plus aujourd’hui avec un autre article du même journal qui décrit les retards dans la mise en place des tests en France à cause d’une certaine bureaucratie, cf Dépistage du coronavirus : les raisons du fiasco français sur les testshttp://Dépistage du coronavirus : les raisons du fiasco français sur les tests) impoartant décrit par le journal, la souplesse du système fédéral allemand qui a facilité une réactivité locale.

Conclusion de l’éditorial :

Par la force de son service public, l’exemple allemand contredit les discours ultralibéraux. Par la puissance de son excédent budgétaire, l’Allemagne fait une leçon de rigueur. A l’évidence, les responsables politiques français ont maintes leçons à tirer de la résistance allemande au Covid-19. Mais leurs homologues allemands feraient fausse route s’ils abusaient de leur bonne performance pour mégoter sur leur solidarité à leurs partenaires de l’UE, en imaginant pouvoir se sortir de cette crise sanitaire planétaire au milieu d’une Europe à bout de souffle.

Sources :

Crédit photo : Tobias Koch/Creative Commons

Cesser de nuire

Comment est-ce arrivé ? Que pouvons-nous faire ?

Beaucoup s’interrogent et peuvent se sentir impuissants dans un système mondialisé à trouver des solutions et les appliquer.

Ce qui commence à apparaître assez clairement, c’est qu’on n’est pas seul  à se poser des questions et que la crise légitime la parole de ceux qui propose des solutions différentes de celles du « système ».

Voici 2 exemples parmi des centaines d’autres entendues ou lues ce derniers jours.

Tout d’abord l’entretien de Corinne Morel-Darleux, conseillère régionale eco-socialiste dans Mediapart

(Question de Mediapart) Dans votre livre, vous mettez en évidence une notion qui prend tout son sens aujourd’hui : le « cesser de nuire », comme la « lutte contre l’hubris en train de détruire les conditions d’habitabilité de la planète ». Il faut produire autrement, questionner nos besoins, diminuer notre consommation, dites-vous. Ce « cesser de nuire » pourrait-il constituer la nouvelle matrice de notre organisation collective ?

Cette notion peut s’entendre à différents niveaux. J’y ai particulièrement pensé dans les premiers jours de l’épidémie en France, quand les consignes n’étaient pas encore claires et que nous avons pris conscience que nous pouvions tous être porteurs du virus et, à notre corps défendant, constituer un danger pour l’autre. C’est avec ce souci d’autoneutralisation, de « ne pas nuire », que j’ai pris la décision de ne pas aller voter au premier tour des municipales.

Mais à l’origine, cette notion portait une dimension beaucoup plus sociétale. Il s’agissait pour moi d’interroger nos manières de produire et de consommer, en prenant conscience de la matérialité de l’ensemble de la chaîne en amont. On trouve en France des tee-shirts à 3 euros fabriqués au Bangladesh dans des conditions de travail indécentes. À qui cela nuit-il ? Qui en tire profit ? Pourquoi est-ce nécessaire de faire autrement et comment faire ? Que cela nous dit-il de la précarité, ici et là-bas ? Pour quelle empreinte carbone ?

Cesser de nuire, refuser ce système, cela revient à s’interroger collectivement.

Dans ce cas précis, cela implique non seulement d’arrêter d’acheter soi-même ces produits, mais aussi, politiquement, de trouver le moyen de cesser d’importer des marchandises qui sont le produit de l’exploitation. Il faut relocaliser la production, lutter contre la pauvreté, afin que chacun puisse se payer des biens produits dans des conditions sociales et environnementales dignes. C’est une question qui relève de la délibération collective. Elle est centrale selon moi.

Cesser de nuire, voilà un paradigme que chacun peut appliquer pour décider ce qui est bon de faire ou pas.

Source : https://www.mediapart.fr/journal/france/310320/corinne-morel-darleux-la-pandemie-ne-doit-pas-servir-etouffer-les-luttes

Un autre exemple dans un entretien avec Rob Wallace, biologiqte, qui rappelle utilement que si les coûts engendrés à la société par l’industrie, notamment agricole, étaient réintégrés dans leurs charges, elles ne pourraient tout simplement pas survivre.

Ces entreprises peuvent simplement externaliser les coûts de leurs opérations épidémiologiquement dangereuses sur le reste du monde. Des animaux eux-mêmes aux consommateurs, en passant par les travailleurs agricoles, les environnements locaux et les gouvernements du monde entier. Les dommages sont si importants que si nous devions réintégrer ces coûts dans les bilans des entreprises, l’agrobusiness tel que nous le connaissons serait définitivement arrêté. Aucune entreprise ne pourrait supporter les coûts des dommages qu’elle impose.

Et de rappeler l’absence de système de santé au Etats-Unis accessible à tous.

Il pourrait être intéressant dans le contexte étatsunien d’exiger une ordonnance d’urgence qui stipule qu’en cas de pandémie, toutes les factures médicales liées aux tests d’infection et au traitement après un test positif soient prises en charge par le gouvernement fédéral. Nous voulons encourager les gens à chercher de l’aide, après tout, plutôt que de se cacher – et d’infecter les autres – parce qu’ils n’ont pas les moyens de se faire soigner. La solution évidente est un service national de santé – doté d’un personnel et d’équipements suffisants pour gérer de telles urgences à l’échelle de la communauté – afin qu’un problème aussi absurde que celui de décourager la coopération communautaire ne se pose jamais.

Source : https://acta.zone/agrobusiness-epidemie-dou-vient-le-coronavirus-entretien-avec-rob-wallace/

Armée des ombres

J’en avais entendu parlé mais je ne l’avais pas écouté, mais ça vaut la peine.

Voici comment le ministre de l’agriculture, le 24 mars 2020, a appelé des français à aider les agriculteurs qui ne peuvent plus embaucher de saisonniers du fait de la crise sanitaire et de la fermeture des frontières.

(Je lance) un grand appel à l’armée des ombres, à l’armée de l’ombre, un grand appel aux femmes et aux hommes qui aujourd’hui ne travaillent pas,  à celles et ceux qui sont confinés chez eux dans leur appartement ou dans leur maison. A celles et ceux qui sont serveur dans un restaurant, hôtesse d’accueil dans un hôtel, au coiffeur de mon quartier, à celles et ceux qui n’ont plus d’activité. Et je leur dis, rejoignez la grande armée de l’agriculture française. Rejoignez celles et ceux qui vont nous permettre de nous nourrir, de nous nourrir de façon propre, saine, durable, équitable, c’est ce que nous devons faire aujourd’hui.

Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, 24 mars 2020, sur RMC et BFMTV, interviewé par Jean-Jacques Bourdin.

Passons sur le lapsus, ô combien révélateur, de « l’armée des ombres » (puisque vous n’êtes rien que des gueux sans travail), pour nous arrêter sur la liste des gens sans travail qui peuvent aller aider les agriculteurs : des serveurs de restaurants, des hôtesses d’accueil, des coiffeurs. Pourquoi ne citer que des professions à faible niveau de qualification ? Soit il s’agit d’une urgence nationale et il faut que tout le monde se mobilise, même les traders sans emploi ou les cadres au chômage technique. Soit il ne s’agit que de remplir une fonction dévalorisée par des gens dévalorisés. Quelle condescendance ! Quel mépris de classe !

Face à la grande distribution qui tire les prix vers le bas, les agriculteurs n’ont d’autre choix que de se tourner vers de la main d’oeuvre bon marché de saisonniers, venue de l’étranger et très mal payée. Lorsqu’il faut la remplacer, à qui on pense, à ceux qui n’ont pas le choix. Alors qu’on aurait pu imaginer de valoriser l’agriculture, d’en faire une profession d’avenir. Mais pour cela, il faudrait que le ministère et la FNSEA changent de modèle et privilégient une agriculture locale, respectueuse de l’environnement, payée son juste prix. Il faudrait limiter la taille des exploitations, réduire la dépendance à la chimie, la dépendance à la machine, se réapproprier la terre et l’humain. Paroles de citadin, direz-vous ? Vision idéaliste d’un mode rude, peut-être ?

En tout cas, pas la même vision que celle de Didier Guillaume.

Il ne reste qu’une étape à franchir, lorsque la crise sera en train de se terminer et qu’il faudra mettre en oeuvre l’après et trouver du travail à tous ceux qui n’en auront plus du fait de la crise économique qui suivra. Je suis certain qu’il y en aura pour proposer d’envoyer les chômeurs aux champs.  Je propose d’appeler cela Solidarité Travail Organisé (STO) ou bien Revenu Solidaire Agricole (RSA).

Source :

Capitalisme

La crise sanitaire liée au coronavirus (COVID-19) met à jour toutes les problématiques et limites du capitalisme.

Ouvrier·e·s, caissier·e·s, livreurs, … obligés de travailler, pendant que les cadres peuvent télétravailler dans leur maison de campagne. Bien sûr cette situation est caricaturale, il y a des cadres qui travaillent et des ouvriers en chômage technique, mais, néanmoins, globalement, le clivage social s’exprime aussi dans les temps de confinement. Sans oublier, que ce n’est certainement pas la même chose d’être à 2 dans un 2 pièces ou à 6 dans un 2 pièces, sans pouvoir sortir de chez soi.

Les ordonnances prises par le gouvernement qui modifie le droit du travail en raison de la crise ne vont pas dans le sens d’une atténuation de la fracture sociale : durée du travail hebdomadaire portée à 48h avec même la possibilité de travailler 60h pendant une semaine (toutes les combien de semaines ?). S’ajoutent la possibilité de travailler le dimanche et la réduction du temps de repos entre 2 journées de travail de 11 à 9 heures, la possibilité pour l’employeur d’imposer ou de différer les congés payés, ainsi que les RTT.

Si on comprend le principe : « on est en guerre, il faut que les usines d’armement tournent », on voit bien aussi que nous ne sommes pas dans une période où le pays pourrait se rassembler pour lutter ensemble contre un « ennemi » commun, même si c’est ce que Macron essaye d’obtenir. Et ne parlons pas du ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume qui fait (carrément) appel à

à l’armée de l’ombre, un grand appel aux femmes et aux hommes qui ont envie de travailler

En gros, « vous êtes chômeurs, venez remplacer volontairement (pour l’instant) les saisonniers ».

En commençant par « Soyons une nation unie », puis en passant par « il y a des gens qui ne respectent pas les règles », nous arrivons aujourd’hui à l’état d’urgence sanitaire, restriction temporaire, bien sûr, de nos libertés. Et l’opération « Résilience » reposant sur l’armée annoncée par Emmanuel Macron le 25 mars 2020 :

Nous en sommes en guerre et face à ce pic de l’épidémie qui est devant nous j’ai décidé sur proposition du chef d’état major de créer l’opération Résilience, distincte de Sentinelle qui continue de lutter sur le terrorisme. Cette opération sera entièrement consacrée à l’aide et au soutien à la population ainsi qu’au service public dans les domaines de la logistique et de la protection.

Quand l’urgence sera fini, que ferons-nous ? Nombreuses seront les voix pour qu’un durcissement accompagne la remise en ordre (au choix) de l’économie, de la France, de nos vies. Les gens ont besoin de sécurité, alors on leur en apportera, peu importe les moyens.

Il est de plus en plus de personnes qui comprennent que ce sont les dérives du capitalisme qui sont la cause première de cette situation et qui ne sauraient sauver le capitalisme pour que tout revienne à la normale. La prise de conscience sociale et écologique qui commencée avant l’épidémie ne fait que s’amplifier. Ce qu’annonçaient tous ceux qui dénonçaient la folie de la croissance,  le risque systémique de la financiarisation de nos sociétés, l’hyper-mondialisation aveugle et sourde aux peuples, trouve sa traduction concrète en ce moment de l’épidémie.

Il y a un avant,  il y aura un après, mais quel sera-t-il ? Oui, il y a aura de nombreuses voix pour réclamer un changement de système, mais il y a aura aussi des voix pour réclamer un retour « à la normale », à la vie d’avant, chez les puissants, mais pas seulement. Il y a aura un débat (euphémisme) entre ceux qui réclameront qu’on s’attaque aux causes et ceux qui argueront qu’il est plus simple et efficace de s’attaquer aux effets. Il y a aura tout ces tenants de la science pour lesquels un bon vaccin administré à tous, un confinement bien coercitif, un respect absolu, encadré et réprimé des règles  sont les remèdes appropriés pour sortir de ces situation de crise.

Et ça, le pouvoir le sent bien. Il a conscience que le point de bascule de l’opinion publique a déjà eu lieu, longtemps avant l’épidémie, et dont « les gilets jaunes » sont un marqueur. Et il ne peut se permettre de voir son système, le système dont il est le garant s’effondrer ou, simplement, être remis en cause.  Comment réagira-t-il ?

Posons quelques marqueurs :

  • Tout état d’urgence, toute guerre a une fin, explicite. Il est donc important que soit marqué la fin de l’état d’urgence et de la crise sanitaire pour que les conditions normales reprennent leur droit
  • Il faut qu’un grand débat puisse s’organiser autour des causes de l’épidémie et des priorités à mettre en œuvre à l’issue de celle-ci
  • Il faudra lutter contre toutes les tentatives de division que le système mettra en place (entre ceux qui respectent et ceux qui ne respectent pas, ceux qui font un effort et ceux qui n’en font pas, ceux qui risquent et ceux qui ne risquent pas, …) pour continuer à dominer
  • Il faudra être vigilant sur le respect des libertés individuelles et collectives
Sources :

Guerre ?

Lors de son allocution télévisée du 16 mars, Emmanuel Macron a utilisé à plusieurs reprises le terme guerre.

Nous sommes en guerre, en guerre sanitaire certes. Nous ne luttons ni contre une armée ni contre une autre nation, mais l’ennemi est là, invisible, insaisissable, et qui progresse. Et cela requiert notre mobilisation générale. Nous sommes en guerre. Toute l’action du gouvernement et du Parlement doit être désormais tournée vers le combat contre l’épidémie, de jour comme de nuit. Rien ne doit nous en divertir. C’est pourquoi j’ai décidé que toutes les réformes en cours seraient suspendues, à commencer par la réforme des retraites.

(…)

Nous sommes en guerre. J’appelle tous les acteurs politiques, économiques, sociaux, associatifs, tous les Français à s’inscrire dans cette union nationale qui a permis à notre pays de surmonter tant de crises par le passé. Nous sommes en guerre et la Nation soutiendra ses enfants qui, personnels soignants en ville, à l’hôpital, se trouvent en première ligne dans un combat qui va leur demander énergie, détermination, solidarité. Ils ont des droits sur nous. Nous leur devons évidemment les moyens, la protection. Nous serons là. Nous leur devons, des masques, du gel, tout le matériel nécessaire. Et nous y veillons et y veillerons.

Cette rhétorique de guerre est dangereuse. Car la guerre permet tout, elle auto-justifie tout ce que l’on fera en son nom. Or, il manque une information importante dans cette vision « d’être en guerre contre le virus », c’est l’origine de cette guerre : ce n’est pas lui qui nous a attaqué. Nous sommes les agresseurs.

En se déclarant en guerre contre le virus, on se dédouane de nos responsabilité. Ce qui compte, c’est de la gagner. Quand on l’aura gagnée, on célébrera la victoire, on comptera certes les morts, mais on aura l’impression d’avoir progressé. Alors, pourquoi, à ce moment-là, se poser des questions sur l’origine de « la guerre » ? On fera taire tous les oiseaux de mauvais augures qui poseront des questions et qui nous empêcheront de revenir à « une vie normale ».

Il y a dans cette allocution de Macron, tous les germes d’une rhétorique totalitaire : mobilisation générale, ennemi invisible, union nationale, La Nation, … L’étape d’après, c’est le recul de nos libertés.

A suivre…

 

Références

Confiance ? un serious game pour la tester

Le nouveau monde se construira par la Confiance.

Seulement voilà, nous faisons tous quotidiennement l’expérience du mensonge, de la tricherie, de la duplicité. Même quand nous voulons être honnête, faire confiance, nous sommes souvent déçus et décidons souvent que cela ne vaut pas la peine et qu’il vaut mieux être circonspect voire se défier a priori.

Je suis tombé par hasard via l’univers Pixel du journal Le Monde (World Wide Wow, Chronique des (R)évolutions Numériques), sur une « serious game » fort intéressant, basé sur la théorie des jeux, consacré à la confiance.

Intitulé The Evolution of Trust : http://ncase.me/trust/,  le jeu permet de vérifier qu’elle est la stratégie la plus gagnante dans différentes situations en se basant sur différents types de comportements typiques et en faisant varier les contextes.

Afin de ne pas vous gâcher le plaisir de jouer et de découvrir la réponse en l’éprouvant au prisme de vos propres convictions, je ne dévoilerait pas la conclusion que je vous laisse découvrir vous-même.

Pour les non-anglophone, voici quand même un extrait de la conclusion, qui devrait vous inciter à jouer avec le soutien d’un ami qui maitrise la langue anglaise :

If there’s one big takeaway from all of game theory, it’s this:

What the game is, defines what the players do.
Our problem today isn’t just that people are losing trust, it’s that our environment acts against the evolution of trust.

That may seem cynical or naive — that we’re « merely » products of our environment — but as game theory reminds us, we are each others’ environment. In the short run, the game defines the players. But in the long run, it’s us players who define the game.

So, do what you can do, to create the conditions necessary to evolve trust. Build relationships. Find win-wins. Communicate clearly. Maybe then, we can stop firing at each other, get out of our own trenches, cross No Man’s Land to come together to all learn … to live and let live

S’il y a un grand message à retenir de toute la théorie des jeux, c’est celui-là :

Le jeu définit ce que les joueurs font.
Aujourd’hui , notre problème n’est pas seulement que les gens perdent confiance, c’est aussi que notre environnement contrecarre l’évolution de la confiance.

Cela peut sembler cynique ou naïf — que nous sommes plus ou moins les produits de notre environnement — mais comme nous le rappelle la théorie des jeux, nous sommes l’environnement des autres. A court terme, le jeu définit le joueur. Mais à long terme, ce sont les joueurs qui définissent le jeu.

Alors, faites ce que vous pouvez pour créer les conditions nécessaires pour faire évoluer la confiance. Construire des relations. Jouer gagnant-gagnant. Communiquer clairement. Peut-être alors, on pourra arrêter de se tirer dessus les uns les autres, quitter nos vareuses, traverser le No-Man’s Land pour se réunir pour tous apprendre … à vivre et laisser vivre.

Crédits : The Evolution of Trust : http://ncase.me/trust/
Image : « A Christmas Truce between Opposing Trenches » Illustrated by AC Michael. Published in The Illustrated London News, January 9, 1915. 

Bon jeu ! Et faisons-nous confiance !

Humanisme

J’aurai voulu vous parler du film de Ken Loach, Moi, Daniel Blake, mais nous sommes le jour d’après l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis d’Amériques. Impossible de ne pas faire un lien entre ces 2 sujets !

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Le film de Ken Loach met en scène un menuisier qui, suite à une crise cardiaque, ne peut plus travailler. Malheureusement le « décisionnaire » de l’allocation refuse la reconnaissance de son handicap ce qui prive Daniel Blake de revenus. Il peut faire appel de la décision une fois que celle-ci lui aura été officiellement notifiée par téléphone (même si il a déjà reçu la notification par courrier) à une date inconnue. Dans l’intervalle, Daniel pour toucher une aide doit être en recherche d’emploi (emploi qu’il ne pourra pas exercer du fait de sa maladie cardiaque). Problème : l’ensemble des démarches doit se faire sur internet (« Digital by default ») alors que Daniel ne sait pas se servir d’un ordinateur.

On assiste à quelques scènes hilarantes à force de surréalisme, entre une administration vissée à des procédures figées d’où l’humain est exclu (impossibilité de faire des déclarations papiers, durée d’attente au téléphone longue et surfacturée, nombre et preuves de recherche d’emploi impossibles à réunir, …) et la méconnaissance de l’outil informatique (utilisation de la souris, temps alloué à l’utilisation de l’ordinateur libre-service trop court, …) par Daniel.

A côté de cette administration déshumanisée, les humains du film sont, eux, très humains. Jamais, Daniel Blake n’arrête d’avancer et de chercher une solution,. Certains employés de l’équivalent de Pôle Emploi, les jeunes utilisateurs des ordinateurs, ou encore le voisin débrouillard de Daniel, n’hésitent pas amicalement à l’aider et à le conseiller. On sent une solidarité dans l’adversité entre tous.

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Moi, Daniel Blake, je demande une date pour mon appel avant de crever de faim et changez la musique des téléphones

Solidarité que, d’ailleurs, Daniel Blake met lui-même en oeuvre en aidant une jeune mère de famille et ses 2 enfants, rencontrés à Pôle Emploi, fraichement débarqués dans la ville et sans ressources. En contrepoint des procédures et autismes du système, la relation d’échange et de solidarité entre Daniel et Katie et ses 2 enfants est un modèle d’équilibre et de respect mutuel.

Sans dévoiler la fin du film, les phrases qui le conclue décrivent l’espoir d’un monde pour monde à l’humanité retrouvée, pour un monde où le citoyen serait respecté et entendu, pour un individu reconnu et pris en compte. C’est tout le sens de « Moi, Daniel Blake, … ».

Certains pourront dire que la victoire de Donald Trump aux USA a été obtenue auprès des pauvres en réaction au système que dénonce Ken Loach. A l’opposé du discours d’exclusion et haineux de Trump, Ken Loach oppose un discours de tolérance et d’humanisme.

Peut-être Trump prétend-il défendre les « petites gens » contre « le système », mais j’ai la conviction qu’il renforcera les contrôles et la déshumanisation des relations au motif de lutter contre la fraude et les détournements du système, plutôt que de bâtir un modèle de relation basé sur la confiance et le respect des individus.

Oui, il faut changer de système, il faut changer le Système. Mais il y a différentes manières de le faire. Trump, Le Pen, Sarkozy, Erdogan, Poutine, Orban, pour n’en citer que quelques-uns (et pardon pour les autres que j’ai omis ;-)) sont les hérauts d’une forme intolérante et totalitaire. Podemos, Bernie Sanders et quelques autres en incarnent une autre. Mais cette liste des porteurs d’un autre modèle est courte et vacillante. Il nous reste à inventer et construire une autre manière de vivre ensemble, une autre manière de concevoir les rapports humains, une nouvelle façon de remettre l’humain au centre, une nouvelle approche de la gestion collective du bien commun. Trump a gagné, le système tue des Daniel Blake, CONSTRUISONS, DISCUTTONS, AGISSONS !

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Je Suis Charlie – analyse

Je Suis Charlie, bien sûr, comme des millions de personnes à travers le monde, mais qu’est-ce que cela signifie et qu’est-ce que cela implique ?

 

Si l’heure est à l’hommage, à la solidarité et à la communion avec les victimes, se limiter à la manifestation d’une émotion ne peut pas être la seule réponse collective aux événements de cette semaine.

Je Suis Charlie parce que je crois et je défend la liberté de la presse et la liberté d’expression. Je ne lisais pas Charlie Hebdo, et ne suis aucunement qualifié pour juger du contenu parce que je ne le connais pas, mais rien ne justifie qu’on assassine un journaliste, dans quelque partie du monde que ce soit, pour son travail.

Je Suis Charlie parce que je crois qu’aucune terreur, qu’elle soit physique, morale, politique ou économique, ne doit aliéner la liberté. Ni censure, ni auto-censure, ni loi d’exception, ni diktat, ni règle édictée par une instance morale ou religieuse, ne peuvent limiter une liberté fondamentale.

Je Suis Charlie parce que je veux résister à l’oppression morale, à la bien-pensance encadrée et moralisatrice.

L’important maintenant est ce qu’il se passera demain lorsque l’émotion sera retombée.

Je veux croire que ce sera l’occasion d’une réflexion sur la tolérance et le respect d’autrui. Que l’on soit religieux ou athée, aucun amalgame ne peut être fait entre le terrorisme fanatique des uns et la pratique religieuse, culturelle des individus. Le fanatisme, le terrorisme, qu’ils soient religieux ou politiques, ne sont que des expressions déviantes contre lesquels il faut résister, non par la peur et le rejet, mais par la tolérance, le respect et l’intégration.

Quand j’entends des responsables politiques envisager de « nouveaux dispositifs » en matière de sécurité (Valls) ou à « nommer les choses, libérer (la) parole » contre « l’islamisme radical » (Le Pen), je suis inquiet.

On peut choisir de sortir par le haut, en œuvrant pour le « vivre ensemble », pour reconstruire localement, des solidarités, de l’ouverture, de l’inclusion, ou bien, choisir la voie du contrôle, de l’oppression, de l’exacerbation des différences, du communautarisme. Cette deuxième voie est celle de la réponse facile, celle de l’émotion, celle du renoncement, celle d’une forme de totalitarisme.

Certains diront que c’est d’une guerre dont il s’agit. Oui, probablement, certains totalitaires instrumentent le fanatisme et le terrorisme et voient dans les guerres une solution facile et un moyen de mieux contrôler les peuples.

Mais, je suis certain que les guerres se gagnent par le combat des peuples, par la solidarité, par la résistance, par la résilience à l’oppression, ni par les armes, ni par les armées, ni par les états.

Ne laissons pas la peur envahir nos consciences et nous empêcher de construire un monde plus juste et plus humain.