Obligé de redéfinir ce qui fonde mes idées et mon action politique, j’ai eu la chance qu’une amie me définisse personnellement un jour comme libertaire. Je ne l’avais formulé comme cela auparavant, mais cette définition extérieure m’a ouvert une porte de compréhension de mes valeurs qui s’est avérée fructueuse.
Donc, oui, je me défini comme Libertaire. Qu’est-ce que cela signifie, concrètement ?
La première valeur à mes yeux, c’est le libre-arbitre : c’est-à-dire la possibilité de décider en toute conscience de ses choix.
Cela peut paraître simple comme définition, mais chaque mot compte.
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- Décider : mes choix sont les miens, ils ne sont pas la résultante d’une pression, d’une coercition, d’une contrainte, d’un ordre externe. C’est un choix librement consenti. Par exemple, j’ai toujours pensé que m’obliger à mettre ma ceinture de sécurité en voiture était une atteinte à ma liberté individuelle. Cependant, je mets ma ceinture en voiture. Pas par peur de la police ou d’une amende, mais par décision consciente, qu’il valait mieux mettre ma ceinture en cas d’un éventuel accident. Et pour toutes les mauvaises langues, l’alerte sonore de ma voiture s’arrêtant au bout de 1 minute, j’ai suffisamment de patience pour attendre ce laps de temps.
- En toute conscience : pour pouvoir être libre, il faut être conscient. Pour être conscient, il faut être éduqué, informé, il faut pouvoir exercer sa raison, ses capacités critiques. Il faut pouvoir débattre, s’enrichir de la différences des autres. Les choix ne sont pas des décisions par défaut, par absence d’alternative, par paresse, mais au contraire le résultat d’une réflexion, d’une conscience des choses qui permet d’accepter librement ses choix, éventuellement d’en changer, sans regrets, sans amertume, sans ressentiment.
Tout cela serait bien simple si nous vivions seuls. Mais, heureusement, ce n’est pas le cas.
Mon deuxième principe est alors que ma liberté s’arrête où celle des autres commence. Encore une fois, nulle coercition ici. Je fait le choix conscient que l’expression de ma propre liberté ne doit pas entraver l’expression de la liberté de quelqu’un d’autre. Ce n’est pas l’autre qui bride ma liberté, c’est moi qui choisit librement d’ajuster la portée de ma liberté à ce qui est acceptable pour l’autre. Dans une discussion récente avec des amis, quelqu’un a posé la question suivante : « un vrai libertaire peut-il demander la fidélité de son compagnon ? ». Question complexe, mais, à mon sens, mal formulée parce qu’elle renverse le sens de la relation. La fidélité est une notion morale et n’a rien à faire ici. Un libertaire ayant une relation régulière et organisée avec une compagne ou un compagnon (ou même un mari ou une femme, je suis marié et heureux de l’être, et ne sens en aucune façon ma liberté réduite) peut avoir une « aventure », cela fait partie de sa liberté. Peut-il l’avoir dans un contexte où celle-ci réduirait la liberté de son compagnon, absolument non. Ce serait le cas, par exemple, si l’aventure se produisait avec quelqu’un que connaît son compagnon (le regard d’une des parties serait modifiée) ou si la relation apportait un risque que pourrait subir le compagnon. Tout ceci, bien sûr, tant qu’on ne souhaite pas redéfinir la nature de la relation avec son compagnon. Dans ce cas, le vrai libertaire aura toujours l’honnêteté de la vérité.
Si l’on peut facilement établir des règles inter-personnelles, nous vivons dans une société. Troisième principe absolu, L’Homme est foncièrement bon, c’est la société qui le perverti. Si c’est la société qui pervertit l’Homme, alors une société libertaire doit rechercher à établir ce qui permettra à l’Homme d’être libre. L’éducation et la formation, la liberté d’expression, de publication, d’information, de réunion, de manifestation, de circulation, le droit au travail, au logement, la liberté culturelle et cultuelle, le droit à une nourriture et à un environnement sain, le droit au respect, l’échange non marchande et sans intervention de l’argent, les monnaies locales, tous ces éléments forment le fondement d’une liberté de l’Homme et d’une société libre. La société capitaliste, les obscurantismes religieux, la bêtise, la somme des intérêts égoïstes, l’ignorance, s’allieront pour contrer la naissance d’un monde basé sur d’autres principes. La transformation sera longue, lente, chaotique, aucune naïveté à avoir, même difficile, un autre chemin est possible. L’individualisme, le repli sur soi ne sont pas des choix possibles. Ce sont des non-choix.
Quelle que soit la taille de la société dans laquelle nous vivons, nous y vivons et c’est là que nous devons agir. C’est pourquoi le quatrième principe est un principe politique, celui de la primauté du politique sur l’économique. Dans mon esprit, la politique est d’abord une agora, un lieu où l’on débat, où l’on échange, où chacun peut prendre la parole. Le responsable politique n’est pas celui qui dit ce qui doit être fait mais celui qui met en œuvre ce qui a été décidé au sein d’une collectivité. Dans une société libre, la responsabilité politique doit être partagée, être révocable, limitée dans le temps et dans sa portée. Les mandats doivent être courts et non reconductible pour permettre au plus grand nombre d’exercer des responsabilités. Cependant, rien de possible sans diffusion de la connaissance. Internet est un formidable moyen de mettre en relation des gens, de diffuser des idées, de partager des expériences, de publier des connaissances, d’accéder à l’information. Militer pour un internet libre et accessible, pour des logiciels libres et sécurisés, pour une information libre et ouverte, ce sont des conditions nécessaires à l’émergence d’un débat politique démocratique.
Un esprit critique répondrait aux arguments ci-dessus que ces principes ne sont pas applicables à grande échelle. L’universalité de la liberté est le cinquième principe sur lequel nous devons nous appuyer. Il ne saurait y avoir de limites à la portée de la liberté. Impossible de réduire la liberté d’un groupe au bénéfice d’un autre groupe. Le principe de liberté doit s’appliquer à tous tout le temps. Impossible de réduire les flux migratoires au bénéfice de l’emploi des résidents locaux. Si la société inégalitaire que nous avons créé génère des déséquilibre qui conduisent certains à tout quitter pour rejoindre un autre pays censément meilleur, il faut d’abord rétablir l’équilibre, pas rejeter les migrants. Bien sûr, tout cela à un coût. Mais ne vaudrait-il pas mieux payer au juste prix les richesses du sous-sol en Afrique que de devoir ensuite injecter artificiellement de l’argent pour rétablir un certain équilibre.
Libre-arbitre, respect de la liberté des autres, principes de société, action politique et universalité sont les 5 axes que j’utiliserai dorénavant pour juger de toute décision, de tout choix politique que j’aurai à faire.
Il y aurait certainement beaucoup à dire sur le sujet. Que les lecteurs critiquent, commentent et amendant ! Que les experts en liberté proposent lectures et débats !
Note : cette note a été publiée initialement dans mon précédent blog, le 7/09/2014. Elle a été reproduite ici comme le texte fondateur de cette nouvelle étape.