Capitalisme

La crise sanitaire liée au coronavirus (COVID-19) met à jour toutes les problématiques et limites du capitalisme.

Ouvrier·e·s, caissier·e·s, livreurs, … obligés de travailler, pendant que les cadres peuvent télétravailler dans leur maison de campagne. Bien sûr cette situation est caricaturale, il y a des cadres qui travaillent et des ouvriers en chômage technique, mais, néanmoins, globalement, le clivage social s’exprime aussi dans les temps de confinement. Sans oublier, que ce n’est certainement pas la même chose d’être à 2 dans un 2 pièces ou à 6 dans un 2 pièces, sans pouvoir sortir de chez soi.

Les ordonnances prises par le gouvernement qui modifie le droit du travail en raison de la crise ne vont pas dans le sens d’une atténuation de la fracture sociale : durée du travail hebdomadaire portée à 48h avec même la possibilité de travailler 60h pendant une semaine (toutes les combien de semaines ?). S’ajoutent la possibilité de travailler le dimanche et la réduction du temps de repos entre 2 journées de travail de 11 à 9 heures, la possibilité pour l’employeur d’imposer ou de différer les congés payés, ainsi que les RTT.

Si on comprend le principe : « on est en guerre, il faut que les usines d’armement tournent », on voit bien aussi que nous ne sommes pas dans une période où le pays pourrait se rassembler pour lutter ensemble contre un « ennemi » commun, même si c’est ce que Macron essaye d’obtenir. Et ne parlons pas du ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume qui fait (carrément) appel à

à l’armée de l’ombre, un grand appel aux femmes et aux hommes qui ont envie de travailler

En gros, « vous êtes chômeurs, venez remplacer volontairement (pour l’instant) les saisonniers ».

En commençant par « Soyons une nation unie », puis en passant par « il y a des gens qui ne respectent pas les règles », nous arrivons aujourd’hui à l’état d’urgence sanitaire, restriction temporaire, bien sûr, de nos libertés. Et l’opération « Résilience » reposant sur l’armée annoncée par Emmanuel Macron le 25 mars 2020 :

Nous en sommes en guerre et face à ce pic de l’épidémie qui est devant nous j’ai décidé sur proposition du chef d’état major de créer l’opération Résilience, distincte de Sentinelle qui continue de lutter sur le terrorisme. Cette opération sera entièrement consacrée à l’aide et au soutien à la population ainsi qu’au service public dans les domaines de la logistique et de la protection.

Quand l’urgence sera fini, que ferons-nous ? Nombreuses seront les voix pour qu’un durcissement accompagne la remise en ordre (au choix) de l’économie, de la France, de nos vies. Les gens ont besoin de sécurité, alors on leur en apportera, peu importe les moyens.

Il est de plus en plus de personnes qui comprennent que ce sont les dérives du capitalisme qui sont la cause première de cette situation et qui ne sauraient sauver le capitalisme pour que tout revienne à la normale. La prise de conscience sociale et écologique qui commencée avant l’épidémie ne fait que s’amplifier. Ce qu’annonçaient tous ceux qui dénonçaient la folie de la croissance,  le risque systémique de la financiarisation de nos sociétés, l’hyper-mondialisation aveugle et sourde aux peuples, trouve sa traduction concrète en ce moment de l’épidémie.

Il y a un avant,  il y aura un après, mais quel sera-t-il ? Oui, il y a aura de nombreuses voix pour réclamer un changement de système, mais il y a aura aussi des voix pour réclamer un retour « à la normale », à la vie d’avant, chez les puissants, mais pas seulement. Il y a aura un débat (euphémisme) entre ceux qui réclameront qu’on s’attaque aux causes et ceux qui argueront qu’il est plus simple et efficace de s’attaquer aux effets. Il y a aura tout ces tenants de la science pour lesquels un bon vaccin administré à tous, un confinement bien coercitif, un respect absolu, encadré et réprimé des règles  sont les remèdes appropriés pour sortir de ces situation de crise.

Et ça, le pouvoir le sent bien. Il a conscience que le point de bascule de l’opinion publique a déjà eu lieu, longtemps avant l’épidémie, et dont « les gilets jaunes » sont un marqueur. Et il ne peut se permettre de voir son système, le système dont il est le garant s’effondrer ou, simplement, être remis en cause.  Comment réagira-t-il ?

Posons quelques marqueurs :

  • Tout état d’urgence, toute guerre a une fin, explicite. Il est donc important que soit marqué la fin de l’état d’urgence et de la crise sanitaire pour que les conditions normales reprennent leur droit
  • Il faut qu’un grand débat puisse s’organiser autour des causes de l’épidémie et des priorités à mettre en œuvre à l’issue de celle-ci
  • Il faudra lutter contre toutes les tentatives de division que le système mettra en place (entre ceux qui respectent et ceux qui ne respectent pas, ceux qui font un effort et ceux qui n’en font pas, ceux qui risquent et ceux qui ne risquent pas, …) pour continuer à dominer
  • Il faudra être vigilant sur le respect des libertés individuelles et collectives
Sources :

Guerre ?

Lors de son allocution télévisée du 16 mars, Emmanuel Macron a utilisé à plusieurs reprises le terme guerre.

Nous sommes en guerre, en guerre sanitaire certes. Nous ne luttons ni contre une armée ni contre une autre nation, mais l’ennemi est là, invisible, insaisissable, et qui progresse. Et cela requiert notre mobilisation générale. Nous sommes en guerre. Toute l’action du gouvernement et du Parlement doit être désormais tournée vers le combat contre l’épidémie, de jour comme de nuit. Rien ne doit nous en divertir. C’est pourquoi j’ai décidé que toutes les réformes en cours seraient suspendues, à commencer par la réforme des retraites.

(…)

Nous sommes en guerre. J’appelle tous les acteurs politiques, économiques, sociaux, associatifs, tous les Français à s’inscrire dans cette union nationale qui a permis à notre pays de surmonter tant de crises par le passé. Nous sommes en guerre et la Nation soutiendra ses enfants qui, personnels soignants en ville, à l’hôpital, se trouvent en première ligne dans un combat qui va leur demander énergie, détermination, solidarité. Ils ont des droits sur nous. Nous leur devons évidemment les moyens, la protection. Nous serons là. Nous leur devons, des masques, du gel, tout le matériel nécessaire. Et nous y veillons et y veillerons.

Cette rhétorique de guerre est dangereuse. Car la guerre permet tout, elle auto-justifie tout ce que l’on fera en son nom. Or, il manque une information importante dans cette vision « d’être en guerre contre le virus », c’est l’origine de cette guerre : ce n’est pas lui qui nous a attaqué. Nous sommes les agresseurs.

En se déclarant en guerre contre le virus, on se dédouane de nos responsabilité. Ce qui compte, c’est de la gagner. Quand on l’aura gagnée, on célébrera la victoire, on comptera certes les morts, mais on aura l’impression d’avoir progressé. Alors, pourquoi, à ce moment-là, se poser des questions sur l’origine de « la guerre » ? On fera taire tous les oiseaux de mauvais augures qui poseront des questions et qui nous empêcheront de revenir à « une vie normale ».

Il y a dans cette allocution de Macron, tous les germes d’une rhétorique totalitaire : mobilisation générale, ennemi invisible, union nationale, La Nation, … L’étape d’après, c’est le recul de nos libertés.

A suivre…

 

Références

Industrialisation

On le voit avec la crise sanitaire du coronavirus, c’est une forme de mondialisation qui est en cause.

Pourquoi ce virus s’est-il propagé aux humains par l’intermédiaire des chauves-souris et des pangolins ?

Tout simplement parce que les humains détruisent les habitats naturels de ces animaux et pénètrent dans des zones qui, autrefois, n’étaient pas ou peu fréquentées. En perturbants fortement les habitats naturels, les humains créent  des zones de contact qui n’existant pas auparavant et qui conduisent à la diffusion de virus existants chez les animaux vers les humains.

Cette exploitation industrielle de la planète, cette absence de regards sur les autres espèces, sur les habitats naturels, aux seuls profits des humaines et, surtout, des sociétés industrielles ou financières qui les mettent en œuvre doit cesser.

Quand le moment sera venu de regarder en arrière et de se demander comment une épidémie de cette nature pourra être évitée, nous aurons le choix entre 2 attitudes : repenser notre mode de vie, diminuer notre industrialisation du monde, respecter la nature, c’est-à-dire combattre les causes, ou bien industrialiser notre santé, vacciner de force les populations, chercher des remèdes aux conséquences de nos choix, c’est-à-dire combattre les effets.

Mon choix est clair : la seule solution envisageable est de repenser notre rapport à la nature, revenir à une approche respectueuse de l’environnement, ralentir la cadence de notre « développement ».

Un autre monde

Cela faisait quelques temps que je voulais relancer ce blog et c’est finalement maintenant que je le fais. Une période particulière puisque hier soir, le 14 mars 2020, l’État a déclaré le stade 3 de l’épidémie liée au Coronavirus.

Jusqu’à une date encore indéterminée, les bars, les restaurants, les cinémas, les théâtres et tous les lieux publics non indispensables vont rester fermés. Et ce, après que les écoles,  les collèges, les lycées et les universités aient été fermées.

Situation exceptionnelle qui aura des conséquences profondes sur notre comportement individuel et collectif , conséquences auxquelles nous devons réfléchir dès maintenant.

1er point : nos libertés individuelles

Dans une situation grave de danger, l’État a le choix entre une attitude coercitive en obligeant les gens à rester chez eux, en restreignant les déplacements ou bien une attitude de responsabilité individuelle et collective en appelant les gens à adopter des gestes pour empêcher la propagation du virus. On est, pour l’instant, dans cette 2ème hypothèse. Elle est importante car ce qui compte, c’est la durée des restrictions. Toute forme coercitive a tendance à perdurer au-delà de l’évènement lui-même et à s’inscrire, sinon dans la loi, du moins dans la durée des comportements profonds. En nous appuyant sur notre volonté individuelle, sur nos choix, cela nous implique individuellement et nous donne la possibilité de terminer cette période.

2ème point : nos comportements sur la durée

Nul ne sait aujourd’hui combien de temps durera l’épidémie ni ses effets. L’impact sur la vie quotidienne et l’activité économique sera fort. Toutes les activités culturelles et sociales interdites vont générer des graves difficultés financières pour un ensemble de gens et de structures, souvent petites.

D’autres effets se produiront de manière décalé à cause de décisions qui auront été retardées dans le temps dans cette période d’incertitude.

La solidarité individuelle, collective et plus largement politique doit s’appliquer, sans qu’il soit besoin de la réclamer. Au-delà de ce que nous pouvons faire individuellement autour de nous, l’État et l’Union Européenne, à nouveau, doivent jouer leur rôle. IL faudra être vigilant sur ce point.

3ème point : notre sortie de crise

Sur une longue période, le risque de la suppression des comportements sociaux et de restrictions même choisies de nos libertés fondamentales est que ces comportements deviennent la norme et perdurent.

Il faudra identifier une forme puissante et festive pour marquer la fin de la période et le retour à une vie « normale ». Cela demandera de la volonté et de l’ouverture d’esprit car nombreuses seront les voix qui appelleront à retarder ce moment, au nom du deuil, des leçons à tirer, des réformes à faire.

Pourtant, pour moi, les choses sont claires : Il faut changer de système.

La forme de mondialisation économique et industrielle qui redistribue mondialement les emplois et l’activité économique a vécu. La croissance a tout prix (y compris pour la « bonne » raison de relancer l’économie après la crise) doit cesser quand on voit enfin que pendant la crise les émissions de CO2 et la pollution diminuent. Et il faudra s’interroger sur les formes de gouvernances internationales qui sont nécessaires quand on voit l’individualisme de certains états, les guerres économiques pour des raisons d’hégémonies nationalistes, comme l’absence de parole des organismes internationaux tel l’OMS.

Nous sommes dans une des formes d’effondrement de nos sociétés capitalistes  thermo-industrielles décrites par Pablo Servigne. Noël Mamère écrit une tribune dans Le Monde  où il dit que le coronavirus nous fait « vivre une sorte de répétition générale avant l’effondrement majeur d’un modèle qui a trouvé ses limites ». Ce qui était moqué hier devient réalité aujourd’hui. Oui, nous nous en sortirons, non, l’espèce humaine ne va pas (encore) disparaître demain matin. Mais, cette alerte doit nous amener à effectuer des changement très rapides sur nos modes de vie, sur l’organisation et les finalités du système dans lequel nous sommes. MAINTENANT !

Photo by Daniel Tafjord on Unsplash

Liens

  • Une émission de France Culture où de nombreux thèmes sont abordés, Le Temps du débat, 12 mars 2020

 

  • Les livres de Pablo Servigne
    • Pablo Servigne, Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer, Seuil, 2015
    • Pablo Servigne, Raphaël Stevens, Gauthier Chapelle, Une autre fin du monde est possible, Seuil, 2018

Photo de couverture : Photo by Macau Press Agency on Unsplash